Égalité des genres et réadaptation cardiaque : les limites de l’approche universelle
Le 8 mars est la Journée internationale des femmes, un jour où on célèbre les avancées et les contributions des femmes du monde entier. Leur prochain combat sera-t-il de faire tomber les idées préconçues qui affectent la façon dont on les soigne?
En raison de divers obstacles dans les domaines du sport et de l’activité physique, de nombreuses patientes cardiaques n’ont pas grandi dans un milieu où elles ont eu l’occasion de pratiquer des sports ou des activités physiques de façon structurée, ni de comprendre l’importance de la réadaptation pour se rétablir d’un incident cardiaque.
Afin de favoriser la convalescence et de prévenir d’autres incidents cardiaques, les approches et activités de réadaptation devraient être adaptées aux besoins des patientes, selon leur âge, leur condition physique et leurs préférences. La recherche en santé cardiaque devrait inclure intentionnellement autant de données provenant de sujets féminins que masculins, en vue de produire une image plus complète des enjeux en cause et de définir comment les différences de sexe et de genre affectent la santé cardiaque d’une personne.
Jennifer Reed, Ph.D., chercheuse à la Division de prévention et de réadaptation cardiaque et directrice du Laboratoire de physiologie de l’exercice et de santé cardiovasculaire de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, et Kimberley Way, Ph.D., boursière postdoctorale au sein du même laboratoire, ont récemment publié dans la revue Circulation (en anglais) un article examinant les données de patients atteints de problèmes cardiovasculaires ayant participé à des programmes d’entraînement par intervalles de haute intensité (EIHI).
Il faut reconnaître que chaque patient est unique. Il faut offrir des options adaptées à divers besoins et goûts, ce qui n’est pas toujours simple.
– Jennifer Reed, Ph.D, chercheuse, Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa
Dans cet article, Mme Reed met en lumière certaines lacunes de la recherche actuelle sur la réadaptation cardiaque. Elle estime qu’il est particulièrement pertinent de comparer les programmes d’EIHI au modèle habituel de réadaptation cardiaque, qui consiste généralement en une séance d’aérobie d’une heure d’intensité modérée à élevée avec des équipements comme des appareils elliptiques, des vélos stationnaires et des tapis roulants. Selon elle, cette approche, vue comme « universelle », n’est pas nécessairement adaptée aux besoins et aux goûts de tous les patients, en particulier ceux des femmes.
« Il faut reconnaître que chaque patient est unique, souligne Jennifer Reed. Il faut offrir des options adaptées à divers besoins et goûts, ce qui n’est pas toujours simple. »
Mme Reed rappelle qu’à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa et au sein d’autres établissements ailleurs au Canada, les femmes sont peu nombreuses à s’inscrire à la réadaptation cardiaque et à suivre le programme jusqu’au bout.
« Bien que davantage de femmes se font envoyer en réadaptation cardiaque pour des services de prévention secondaire, elles ont moins tendance que les hommes à s’inscrire à ces programmes et à les suivre, explique-t-elle. Il est essentiel de reconnaître les différences entre les hommes et les femmes et d’examiner comment ces deux groupes sont traités et orientés vers les programmes, afin que les prestataires de soins puissent offrir les options les mieux adaptées à leurs patientes et à leurs patients. »
La chercheuse souligne que d’autres obstacles peuvent dissuader les femmes de participer à des programmes de réadaptation cardiaque, dont leur intérêt envers les programmes, les frais de transport, l’horaire prévu, la nécessité de prendre soin de leurs enfants ou de leurs parents, et d’autres responsabilités.
Mais comment faire pour rendre les programmes de réadaptation cardiaque plus accessibles et agréables? Comment favoriser l’inscription et le recours à ces programmes, tout en garantissant des avantages semblables ou supérieurs pour la santé cardiaque que ceux du modèle traditionnel? Selon Mme Reed, les programmes d’EIHI pourraient offrir aux patients cardiaques plusieurs avantages sur le plan des horaires, de l’accessibilité et de la satisfaction.
En compagnie de la physiothérapeute Marja-Leena Keast, Mme Reed a créé le premier programme d’entraînement de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa conçu exclusivement pour les femmes. Ce programme de cardio-danse combine les avantages des services de réadaptation cardiaque à ceux de l’EIHI. Il s’inspire de programmes communautaires de danse, comme la Zumba, et vise à ce que les femmes s’impliquent dans leur programme de réadaptation cardiaque. L’évaluation du programme par Jennifer Reed démontre que l’EIHI offre :
- une amélioration comparable ou supérieure de la santé cardiovasculaire comparativement au modèle traditionnel, et;
- une séance d’exercice plus courte et plus pratique, que les participantes trouvent plus agréable et attirante en raison du degré d’intensité et des intervalles.
« Lorsqu’on compare les participantes au programme d’entraînement par intervalles à celles du programme traditionnel, on constate des améliorations semblables sur le plan de la composition corporelle, du tour de taille, de la tension artérielle diastolique et de la santé mentale; toutefois, les améliorations sur le plan du tour de taille et de la santé mentale n’ont été cliniquement significatives que pour le groupe associé à l’EIHI », explique Mme Reed.
Lors de sa recension des écrits sur l’EIHI et la réadaptation cardiaque, la chercheuse a observé que plusieurs publications n’avaient pas autant de données pour les femmes que pour les hommes, et que la plupart des données publiées portaient surtout sur des sujets masculins.
« Très peu d’études sur l’EIHI s’intéressent de façon égale ou exclusive aux femmes; les données actuelles découlent d’échantillons comprenant cinq fois plus d’hommes que de femmes », explique-t-elle.
Les programmes de réadaptation cardiaque devraient favoriser l’accessibilité en étant offerts sous diverses formes mieux adaptées aux besoins des patients et patientes, notamment dans la collectivité ou sur des campus satellites. Leurs concepteurs devront aussi tenir compte d’autres facteurs, comme l’âge, la condition physique et les préférences des patients et patientes.